Arnaud BOUTON avocat associé | Pour Résovet
Cession de clinique vétérinaire : ce qu’il faut savoir …
Négocier la cession d’une clinique vétérinaire nécessite de respecter des obligations et de savoir faire valoir ses droits. La loi et la jurisprudence offrent des garanties et des sécurités face à la mauvaise foi d’un interlocuteur au cours des négociations et, si nécessaire, d’utiliser la lettre d’intention comme un rappel des obligations légales de chacune des parties.
Si les négociations devaient ne pas aboutir du fait d’une décision injustifiée, la victime de la rupture des pourparlers pourra solliciter l’indemnisation de son préjudice, de manière amiable puis, à défaut, par voie judiciaire.
Les cessions de cliniques vétérinaires représentaient 32 % des opérations de transmission de PME du secteur de la santé en 2021*.
Pour autant, même si cela devient courant dans la vie d’une clinique, en négocier la cession n’est pas un acte anodin.
L’opportunité d’une cession profitable ne doit pas faire oublier le risque de frais importants et imprévus, exposés en pure perte si celle-ci ne se réalise finalement pas.
Afin d’envisager sereinement de telles négociations, il est donc utile de rappeler vos obligations mais également vos droits et la manière de les faire valoir.
Êtes-vous libre de mener des négociations avec qui et quand vous le souhaitez ?
Négocier est une liberté : « L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres» (art. 1112 Code civil).
Vous êtes libre d’entrer en pourparlers avec un éventuel acquéreur en vue de la cession de votre établissement. Cela ne vous engage ni à vendre, ni lui à acheter, que vous soyez ou non à l’initiative des discussions.
En revanche, l’acquéreur et vous-même devez à tous les stades de la négociation agir avec bonne foi et diligence. Ceci implique de tenir compte des contraintes qui pèsent sur son interlocuteur :
- Frais d’audit, de conseil… ;
- Temps passé ;
- Désorganisation potentielle à l’annonce d’un projet de cession ;
- Diffusion d’informations confidentielles ;
- Etc…
Initier des négociations ne se fait donc pas avec légèreté ou juste par curiosité en vue de connaître l’état du marché.
En acceptant de négocier la cession de votre établissement, vous vous engagez notamment à communiquer diligemment les documents qui seront utiles à l’acquéreur pour mener à bien ses audits.
De son côté, celui-ci ne doit entrer en pourparlers qu’avec l’intention sérieuse, même si elle demeure conditionnelle, d’acquérir votre établissement et doit adapter ses demandes aux dimensions de l’opération envisagée. On ne négocie pas de la même manière l’acquisition d’un cabinet vétérinaire et celle d’un centre hospitalier vétérinaire.
A quoi engage la signature d’une lettre d’intention (ou LOI) ?
Une lettre d’intention n’est pas, en principe, un contrat. En la signant, l’acquéreur et vous-même ne faites que matérialiser l’existence et le début de négociations et en définir l’objet.
Une lettre d’intention peut également contenir de véritables obligations contractuelles, tel qu’un engagement d’exclusivité par exemple.
La lettre d’intention peut également définir les premières conditions à la réalisation de la cession (absence de garantie de passif et d’actif, prix ou complément de prix calculé selon un indice donné…).
Sans aller jusqu’à considérer que de telles précisions sont des engagements fermes, à défaut de mention contraire, cette rédaction peut néanmoins servir d’indice pour démontrer la bonne ou la mauvaise foi d’une partie.
Ainsi si l’acquéreur tente de négocier une garantie après plusieurs mois de discussion et alors même que, de lui-même, il en avait écarté le principe dans la lettre d’intention, il doit justifier ce revirement.
Parallèlement, si, dès le départ, il a été prévu qu’une période d’accompagnement post-cession serait négociée entre les parties, vous devez justifier des raisons objectives et sérieuses vous poussant finalement à la refuser. La lettre d’intention doit donc être rédigée et étudiée avec une particulière précaution. Se faire conseiller avant même sa signature est absolument indispensable.
Des négociations peuvent-elles être rompues à tout moment ?
La rupture de négociations est tout aussi libre que l’est leur initiative. Elle est soumise au même critère : la bonne foi. Ainsi, la rupture des négociations n’est légitime que si :
- Elle est justifiée ;
- Et que son auteur n’a pas tardé à la demander. Il peut ainsi être reproché à un acquéreur :
- D’avoir mené les pourparlers jusqu’à un stade « très avancé » ;
- D’avoir entretenu l’autre partie dans la certitude de l’aboutissement prochain des négociations ;
- Pour finalement y avoir renoncé « sans motif légitime » et en se fondant uniquement sur un « excès de prudence » (Cass. 17 juil. 2000 n° 97-18275).
De même, si après plusieurs mois de négociation, l’acquéreur exige immédiatement une réorganisation de l’activité de soin ou une transformation de votre société par exemple, il pourrait être considéré que vous pouviez raisonnablement penser que la cession allait aboutir prochainement.
La réalisation de ces investissements ne serait donc pas mise sur le compte d’un manquement de prudence de votre part mais de la mauvaise foi de l’acquéreur, si ce dernier devait finalement rompre les négociations, sans motif sérieux.
Comment être indemnisé en cas de mauvaise foi de la part de votre interlocuteur ?
Votre indemnisation doit correspondre au préjudice que vous avez subi du fait de la faute de l’acquéreur.
Ce préjudice ne se confond donc pas avec le prix de cession envisagé. L’acquéreur ne s’est pas encore engagé à acquérir.
Vous pouvez en revanche demander le remboursement des frais que vous avez exposés pour les besoins de la négociation (honoraires d’avocat, d’auditeur, expert-comptable…). Dans l’hypothèse où ces négociations ont conduit à écarter d’autres offres (par exemple : en raison d’une clause d’exclusivité incluse dans la lettre d’intention), votre préjudice pourrait être beaucoup plus conséquent et correspondre à une indemnité d’immobilisation (CA Paris 21 septembre 2017).
A titre d’exemple, le marché des cessions de cabinets et cliniques vétérinaires semble témoigner en 2023 d’une plus grande prudence des fonds d’investissement qu’en 2022 et donc potentiellement d’une baisse des prix de cession.
Le fait d’avoir perdu plusieurs mois pour une négociation infructueuse et finalement rompue sans motif sérieux par l’acquéreur pourrait donc vous permettre de solliciter non seulement le remboursement des frais que vous avez exposés à cause de sa mauvaise foi mais également une indemnisation pour la perte de chance de ne pas avoir pu céder pour un meilleur prix en 2022.
En conclusion, la loi et la jurisprudence offrent certaines garanties et sécurités face à la mauvaise foi d’un interlocuteur au cours de négociations. Ces garanties doivent vous permettre d’initier des négociations plus sereinement et, si nécessaire, en utilisant la lettre d’intention comme un rappel des obligations légales de chacune des parties.
Si, malgré tout, les négociations devaient ne pas aboutir du fait d’une décision injustifiée, la victime de la rupture des pourparlers pourra solliciter l’indemnisation de son préjudice, de manière amiable puis, à défaut, par voie judiciaire.
Cet article est une note d’information juridique générale. Il ne peut tenir lieu de consultation tenant compte des spécificités de chaque situation.
* Sixième édition du Panorama Régions & Transmissions des cabinets In Extenso Finance & Transmission et Lamartine Conseil Healthcare.